Archives de Catégorie: ARTICLES DE PRESSE

Paris, 800€ dans la poche des locataires

L’encadrement des loyers a fait gagner près de 800 euros par an aux locataires parisiens

Les défenseurs de l’encadrement des loyers avaient à cœur de prouver l’efficacité de cette mesure en vigueur dans la capitale et plusieurs villes de France pour protéger les locataires contre les hausses excessives. Cette réglementation n’est, en effet, pas gravée dans le marbre, puisqu’il s’agit d’une expérimentation, menée jusqu’en novembre 2026, dont l’adoption définitive sera soumise à une étude d’impact. Le dispositif ne fait certes plus figure d’épouvantail : des élus locaux étiquetés à droite, autrefois réticents, souhaitent désormais l’appliquer dans leurs villes. La mesure reste toutefois controversée. Les représentants des propriétaires, s’estimant lésés, y voient une des principales raisons à la pénurie de logements sur le marché locatif. C’est dans ce contexte que la Ville de Paris, pionnière en matière d’encadrement des loyers, a demandé à l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR) une étude « pour apporter des éléments de réponse chiffrés à la question des effets de l’encadrement des loyers à Paris ». Il s’agit de la première évaluation basée sur un travail économétrique, prenant en compte le seul impact de l’encadrement et laissant de côté d’autres facteurs, tels que la hausse des taux d’intérêt ou l’effet « passoire thermique ». L’étude a mobilisé les données d’annonces immobilières du groupe SeLoger et de baux de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne. Elle a été réalisée par une équipe de recherche du Cesaer, un laboratoire spécialisé sur les dynamiques des territoires et l’évaluation des politiques publiques, sous le regard de représentants de l’Insee Ile-de-France.

Efficacité renforcée dans le temps

Ce travail, qui a notamment consisté à comparer le cas parisien avec des logements situés dans d’autres villes de France n’appliquant pas l’encadrement, conclut à une certaine efficacité de la mesure : si les loyers parisiens ont continué d’augmenter (+ 2,5 % en moyenne au cours de l’année 2022), l’encadrement a permis de minorer cette hausse de 4,2 % sur la période comprise entre le 1er juillet 2019, date de réintroduction de la mesure dans la capitale, et le 30 juin 2023. Le loyer mensuel moyen observé dans les annonces parues à Paris durant cette période s’établit ainsi à 1 469 euros, alors qu’en l’absence du dispositif d’encadrement il aurait atteint 1 533 euros, « ce qui représente une économie comprise de 64 euros par mois, soit 772 euros par an », souligne l’étude. Celle- ci précise que si les propriétaires bailleurs parisiens avaient tous respecté l’encadrement en vigueur, sans recourir au complément de loyer – autorisé si le bien présente des caractéristiques exceptionnelles –, l’impact de la mesure aurait été deux fois plus important, « avec une baisse des loyers de 8,2 %, par rapport à la situation sans encadrement des loyers ». Cette évaluation montre, en outre, que l’efficacité de l’encadrement se renforce dans le temps : la baisse des loyers induite par cette réglementation n’était que de – 2,5 % entre juillet 2019 et juin 2020 mais a atteint – 5,9 % entre juillet 2022 et juin 2023. L’effet « encadrement » s’avère, par ailleurs, plus fort pour les petits logements, avec une baisse de 10,2 % pour ceux de moins de 18 mètres carrés au cours de la période, contre – 4,2 % en moyenne pour l’ensemble des biens.

Un tour de vis de la Ville ?

« L’effet positif de l’encadrement des loyers est démontré, ce qui justifie la pérennisation de l’expérimentation au-delà de 2026 et même le renforcement du dispositif », estime Barbara Gomes, élue (Parti communiste français) de Paris et conseillère déléguée chargée de l’encadrement des loyers à la mairie. « L’encadrement serait plus efficace si la Ville avait un intérêt à agir et pouvait saisir la justice, alors qu’aujourd’hui la démarche incombe aux locataires », poursuit-elle. Pour éviter les stratégies de contournement, l’élue demande également une définition plus précise du complément de loyer : « J’ai vu des bailleurs demander des compléments de 200 euros par mois parce que l’appartement est équipé d’une machine à laver, ou parce que le métro se trouve à moins de cinq minutes à pied, ce qui est tout de même classique à Paris, dit-elle. Et il faudrait supprimer le délai de prescription, aujourd’hui de trois mois, pour contester le niveau de ce complément de loyer. » Pour justifier ce tour de vis, la Ville note que les loyers ont grimpé de 75 % depuis près de vingt ans et met en avant le non-respect, massif, de l’encadrement des loyers. Selon l’APUR, 38 % des annonces immobilières diffusées entre la mi-2022 et la mi-2023 sur les plates-formes du groupe SeLoger dépassaient le plafond de loyer autorisé.

Véronique Chocron (Le Monde)

24/04/2024

Au service des locataires depuis 50 ans

Le Soir la justice se penche sur le « 103 »

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Trois juges hors-la-loi

Bloquer les baux, pas les loyers

LE SOIR mercredi 18 10 1989

CRISE DU LOGEMENT

Signez la pétition « audit incendie »

Bruxelles: Une pétition pour mieux évaluer les risques d’incendie dans les tours de logements

© rtbf

Par Barbara Boulet

C’est l’incendie survenu dans un immeuble à appartements de Ganshoren, à la fin du mois de juin, qui a incité le syndicat des locataires à taper sur le clou d’une de ses vieilles revendications. Il a lancé, en ligne, une pétition adressée à la secrétaire d’État bruxelloise au logement, la socialiste Nawal Ben Hamou, dans laquelle il réclame « un audit circonstancié de sécurité incendie dans les grands blocs d’appartements ce tant pour ce qui est du secteur privé que des logements sociaux ceci à l’échelle de la Région« . Un audit qui serait à la fois obligatoire, systématique et répété régulièrement. 

« Ce que vous devez savoir, c’est que la sécurité est fonction de l’année de construction des logements. Dès lors, plus un logement est ancien, moins il est sûr. Même s’il est aux normes« , explique le secrétaire général du syndicat des locataires José Garcia. « On pourrait penser que puisqu’il y a des nouvelles normes, elles s’appliquent à l’ensemble du logement. Que nenni. Ce n’est pas le cas. Les anciennes normes pour autant qu’elles aient été respectées restent valables pour ces immeubles-là. Pour nous c’est inacceptable« .

On pourrait penser que les nouvelles normes s’appliquent à l’ensemble du logement. Que nenni.

                                                   José Garcia, secrétaire général du syndicat des locataires

Les immeubles les plus problématiques, aujourd’hui, sont incontestablement ceux qui ont été construits avant l’Arrêté Royal du 4 avril 1972 (qui fixe les conditions générales relatives à la protection contre l’incendie dans les bâtiments élevés). Dans ces immeubles-là, il ne faut pas trop espérer trouver deux chemins distincts d’évacuation, ni d’ailleurs de système d’évacuation de fumées. C’est d’ailleurs en 1972 qu’arrive l’obligation de portes coupe-feu. Pour les normes plus techniques relatives aux matériaux utilisés et des systèmes de détection de fumée, il faudra même attendre l’Arrêté Royal du 7 juillet 1994 (et les modifications suivantes).

Une réalité toutefois à nuancer puisqu’en cas de rénovation soumise à permis, l’immeuble doit – comme lors d’une nouvelle construction- faire l’objet d’une visite du Siamu. Les pompiers sont chargés de formuler un avis. Mais là encore, il ne s’agit que d’un avis. 

C’est précisément pour cerner chaque situation individuellement que le syndicat des locataires souhaite pour chaque grand immeuble de logements un examen des risques d’incendie, une évaluation de l’efficacité des systèmes de protection, et des propositions de pistes d’amélioration.

La région lance une étude 

Au Siamu, on trouve la suggestion plutôt bonne, même si la priorité reste l’instauration d’une vraie base légale: une règlementation minimale en matière de prévention incendie. C’est d’ailleurs dans cet objectif qu’il a plaidé pour que soit réalisée une étude sur les bâtiments hauts d’avant 1972 à l’échelle régionale.

Une demande visiblement entendue, puisque le cabinet de Nawal Ben Hamou annonce, en concertation avec celui de la secrétaire d’état Ans Persoons, le lancement en 2024 d’une vaste étude pour évaluer la sécurité « des immeubles résidentiels élevés (hauteur de plus de 25m), construits avant 1972, afin d’avoir une photo de la situation existante et de disposer des recommandations d’amélioration« . L’étude sera réalisée par un prestataire extérieur via un marché public (l’administration est en train d’en rédiger le cahier de charges). L’étude devrait durer 12 mois.

Pour une indexation des loyers plafonnée à 2%

Syndicat des locataires et PTB réclament une indexation des loyers plafonnée à 2%

Le Syndicat des Locataires n’en démord pas: il exige toujours un plafonnement général de l’indexation des loyers à 2% à Bruxelles. Il est venu le faire savoir lundi en fin de matinée, soutenu par une petite cinquantaine de militants, au Parlement bruxellois qui faisait sa rentrée dans l’après-midi.

Rédaction 19-09-22, 14:00 Dernière mise à jour: 15:38 Source: BELGA

Reçu par le président du parlement bruxellois et des représentants de plusieurs groupes politiques, il n’est pas sorti bredouille: en cas d’absence persistante de consensus sur une formule de plafonnement de l’indexation des loyers, le parlement se saisira lui-même du dossier, a-t-on appris, tant du côté du Syndicat des Locataires, que du Parlement

L’objectif de l’organisation de défense des locataires est de tenter de convaincre une majorité de parlementaires d’adopter une ordonnance linéaire de plafonnement à 2%, faute de consensus sur ce point au gouvernement, dont les ailes DéFI et Open Vld font barrage sur cette formule.

Le Syndicat des Locataires, soutenu par d’autres associations actives dans le domaine du logement, demande, depuis le mois de juin de réduire à 2% l’indexation des loyers, laquelle avoisine actuellement les 10%.

Indexation en fonction de l’efficacité énergétique des biens

Le Syndicat des Locataires se montre très frileux à propos de la dernière proposition en date avancée par la secrétaire d’État au Logement, Nawal Ben Hamou (PS) consistant à lier l’indexation des loyers à l’efficacité énergétique des biens. Selon le Syndicat, seuls les locataires vivant dans des logements classés E, F ou G, qualifiés de passoires énergétiques, ne subiraient aucune indexation.

Les locataires, vivant dans des habitations A, B, C ou D, “seraient pénalisés… La solution au problème de l’indexation ne peut pas être de nature à générer une nouvelle inégalité… Nous plaidons, au contraire, pour que tout avantage de cette nature soit basé sur le PGB (Performance Générale des Bâtiments) qui tient compte, lui, de l’ensemble des éléments liés à l’état du bien: la salubrité, la superficie, les commodités existantes, la qualité de l’installation électrique, etc….”, fait valoir le Syndicat des Locataires.

Interdiction de couper l’accès à l’énergie aux locataires

Au cours de l’échange du jour, le président du Syndicat des Locataires, emmenés par José Garcia a demandé que le parlement bruxellois se saisisse de la problématique de l’indexation des loyers si le gouvernement ne parvient pas à un accord avant la fin du mois; que l’on interdise de couper l’accès à l’énergie (gaz électricité eau) quand locataires ne peuvent payer, et que l’on ne tienne pas seulement compte du PEB mais de la performance générale du bâtiment.

Le président de l’assemblée Rachid Madrane a souligné que le Parlement était très sensible aux questions évoquées par l’organisation.

Il a ajouté que si le gouvernement n’aboutissait pas à un accord, le Parlement reprendra l’initiative. En début de séance, les députés bruxellois ont pris en considération une proposition du PTB visant un plafonnement linéaire de l’indexation des loyers. Le texte sera donc discuté en commission du logement dans les prochaines semaines.

Le Syndicat a annoncé qu’il reviendrait d’ici un mois pour faire le point sur le suivi qui aura été réservé à ses préoccupations

Le PTB veut bloquer à 2% l’indexation des loyers en Wallonie

Le PTB déposera sur la table de la commission logement du parlement wallon, qui se réunit mardi, une proposition de décret bloquant à 2% l’indexation des loyers au sud du pays.

“Le ministre wallon du Logement, Christophe Collignon (PS), dit y réfléchir depuis le mois de juin, mais rien n’a été fait alors que l’indexation prévue pour les loyers de baux conclus en septembre s’élève à presque 10%”, explique Germain Mugemangango, le chef de file de l’extrême gauche au parlement régional.

Freiner l’augmentation des loyers est tout à fait possible, s’il y a la volonté politique qui va avec Germain Mugemangango

En juin dernier, le ministre Collignon avait indiqué avoir chargé son cabinet “d’examiner les possibilités juridiques de tempérer l’indexation exceptionnelle des loyers” et s’était déclaré “personnellement favorable à un mécanisme de plafonnement”.

“Cela dit, l’expérience du saut d’index des loyers de la législature passée m’impose d’être particulièrement prudent sur le modèle juridique qui pourrait être envisagé, notamment au regard des principes de proportionnalité et de non-discrimination, tant à l’égard des locataires que des propriétaires”, avait-il toutefois nuancé.

À qui profite la crise du logement ?

Prix qui explosent, bâtiments inoccupés…

À qui profite la crise du logement?

Par Louise Tessier (journaliste Moustique)

Samedi 23 juillet 2022 08:28

Tout augmente et les loyers ne font pas exception. Pourtant, ce ne sont pas les mètres carrés qui manquent dans le pays. En Wallonie comme à Bruxelles, la lutte contre les habitations vides est relancée pour calmer le marché.

Il faut lever les yeux rue Neuve, à Bruxelles, pour prendre conscience du vide. À quelques mètres des pavés et du bruit bourdonnant de la rue commerçante, c’est le calme plat. Au-dessus des magasins, les étages des immeubles sont pour la plupart inoccupés depuis des années. Les portes permettant d’y accéder depuis la rue ont même carrément disparu, englouties par les façades des grandes enseignes. Un clin d’œil suffit pour deviner les dizaines de logements perdus derrière les fenêtres fermées. De quoi se lancer dans un jeu pour animer sa balade dans la capitale: repérer les bâtiments vides, auquel aucun passant ou presque ne fait attention.

Bon courage, il y en a des milliers. Entre 17.000 et 26.000 appartements sont actuellement inoccupés, selon les chiffres de la Région. C’est d’ailleurs la première fois qu’un tel décompte est réalisé. En 2021, une équipe de chercheurs de l’ULB et de la VUB a croisé des milliers de données pour commencer à établir un état des lieux précis des logements vacants. Informations cadastrales, consommation d’eau, urbanisme… l’équation est complexe et inédite. Reste maintenant aux enquêteurs de Brussels Logement à sonner aux portes concernées pour affiner les chiffres. Porte-parole de la secrétaire d’État au Logement et à l’Égalité des chances Nawal Ben Hamou, Annaïk de Voghel estime qu’il faudra attendre mi-2023 pour y voir plus clair. N’empêche, les premiers résultats montrent déjà qu’au moment où les loyers explosent, les logements sont pourtant loin de manquer à Bruxelles… Le constat est le même en Wallonie, où 30.000 habitations sont présumées inoccupées.

Légende urbanistique

Cette enquête lancée par le gouvernement bruxellois a un goût de première victoire pour José Garcia. Depuis quarante ans qu’il travaille au Syndicat des locataires, il n’avait jamais vu passer de chiffres officiels sur l’ampleur du vide dans les rues de la capitale. “Jusqu’à présent, on continuait à parler de pénurie de logements dans les médias. Aujourd’hui c’est clair, on voit que ce n’est pas le cas.” D’ailleurs, si on regarde un peu plus en détail les statistiques de la Région, il n’y a plus de doute: au 1er janvier 2021, Bruxelles-Capitale comptait 559.260 ménages et 579.619 unités de logement. L’offre est donc théoriquement supérieure à la demande. Pour le secrétaire général de l’organisation, cette information fait toute la différence. “Si on connaît bien la réalité, les solutions et décisions politiques peuvent être prises de manière adéquate.” Surtout, remettre tous ces logements inoccupés en location amènerait à rééquilibrer les montants des loyers, croit José Garcia. “Vous voyez, je suis un fervent partisan de la loi de l’offre et de la demande, finalement. Qui dit pénurie dit logement cher, c’est aussi con que ça.

Il faudra pourtant patienter pour voir débarquer sur Immoweb ces milliers de biens aujourd’hui abandonnés. Si légalement un propriétaire risque une amende lorsqu’il laisse son logement vide durant plusieurs mois, en pratique, les contrôles étaient jusqu’ici très limités et relativement peu contraignants. Pour une maison bruxelloise inoccupée de deux étages, dont la façade mesure quatre mètres de largeur, la peine s’élève à 6.000 euros par an. Pas de quoi faire broncher le portefeuille des gros propriétaires, estime José Garcia.

Opération spéculation

Certains immeubles sont vides parce que de gros propriétaires spéculent, tout simplement. Pas sur quelques mois, mais sur cinq, dix ans, et les amendes rentrent dans leurs calculs.” En gros, des entreprises ou autres acquéreurs investissent dans la brique, laissent les logements inoccupés en attendant que les prix du marché grimpent et finalement revendent quand la plus-value est intéressante. Sur ce phénomène pour le coup, pas de chiffre, nous répond-on au cabinet de Nawal Ben Hamou. “Quelle que soit la cause de l’inhabitation, c’est illégal et nous devons lutter contre”, commente Annaïk de Voghel. Président du Syndicat national des propriétaires, Olivier Hamal reproche au gouvernement de ne pas cibler davantage le problème. “La spéculation existe mais ce n’est pas le fait du petit propriétaire lambda. D’ailleurs nous regrettons une discrimination entre propriétaire privé et bâtiment public: l’ensemble Pacheco, par exemple, a été laissé inoccupé pendant des années!

L’avocat, actif au sein du Syndicat des propriétaires depuis plus de vingt ans, rappelle que les causes d’un logement vide sont multiples. Travaux réalisés entre deux locataires, problème d’héritage qui bloque la location, logement à remettre aux normes… Tout n’est pas qu’une question de gros sous. Parfois, c’est justement qu’il en manque aux propriétaires. Pour les aider, les gouvernements bruxellois et wallon (re)mettent en place une série d’outils qui devraient relancer la machine. Nawal Ben Hamou a notamment réformé le droit de gestion publique fin 2021. Ce dispositif, qui existe depuis 2003 mais n’avait quasiment jamais été utilisé en vingt ans, permet aux pouvoirs publics de prendre temporairement en gestion un logement inoccupé ou insalubre afin de le rénover, de le mettre en location à un loyer réduit et de se rembourser les frais de rénovation avec les loyers perçus. Même chose en Wallonie, où les mesures seront renforcées à partir du 1er septembre sous la pression du ministre du Logement Christophe Collignon. “Un véritable dispositif de lutte contre les logements inoccupés était attendu depuis dix ans. À l’heure où un grand nombre de ménages wallons ont des difficultés à se loger, il est primordial de doter les pouvoirs locaux d’outils juridiques leur permettant d’inciter les propriétaires dont les logements restent inoccupés à les remettre sur le marché”, affirme-t-il.

Partout dans le pays, les loyers augmentent et rendent d’autant plus compliquées les fins de mois des locataires. Légalement, un propriétaire peut aujourd’hui louer son bien 8 % plus cher que le tarif convenu sur le dernier contrat. “Le problème est moins la présence de logements disponibles que l’inaccessibilité grandissante à ces logements pour une partie de plus en plus importante de la population”, commente Annaïk de Voghel. En 2018 déjà, l’Observatoire des loyers montrait que les 40 % des ménages bruxellois les moins riches n’avaient accès qu’à 10 % du marché locatif. La pandémie est passée par là et n’a rien arrangé. “La règle selon laquelle les frais de logement ne devraient pas dépasser un tiers des revenus d’un ménage n’est malheureusement plus applicable”, reconnaît le cabinet de Nawal Ben Hamou. Aujourd’hui à Bruxelles, un ménage sur deux entre dans les conditions de revenus pour accéder à un logement social. “Même les taudis sont chers”, soupire José Garcia.

Appart abordable en voie de disparition

C’est là que les désaccords commencent. Pour le Syndicat des propriétaires, les loyers restent raisonnables à Bruxelles comparé à d’autres villes européennes. “Le problème, c’est que les gens ont des revenus trop faibles. Il ne faut pas se tromper d’ennemi. L’ennemi, ce n’est pas le bailleur”, affirme-t-il. Un argument indéfendable pour José Garcia, qui voit défiler des tas de dossiers concernant des logements insalubres loués à des tarifs “exorbitants”. “Le locataire est prisonnier de cette situation puisqu’il doit bien habiter quelque part.” Pour s’attaquer à ce problème, le gouvernement bruxellois entend encourager les propriétaires à pratiquer des loyers abordables en plus de lutter contre les logements vides. “Nous sommes en train de développer une politique de conventionnement: le propriétaire pourra attester que son bien est conforme, salubre et que son loyer s’inscrit dans les tranches de prix de la grille. En échange, la Région lui donnera accès à une série d’avantages, en commençant par l’accès aux primes à la rénovation.” Un espoir pour les 62 % d’habitants locataires à la capitale? “Ce plan ne va pas assez loin concernant les prix des loyers, mais au moins il existe”, hausse des épaules José Garcia. Lui aimerait voir voter des textes véritablement contraignants: “C’est sans danger… On ne peut pas délocaliser un immeuble!

Pas d’expulsion sans relogement.

Le syndicat des locataires conteste l’expulsion d’une mère et de ses quatre enfants à Molenbeek

Par Philippe Carlot

Khadija Chaou, la quarantaine, habite un appartement social au 13e étage d’un building du Logement molenbeekois depuis 2018. Cette mère de quatre garçons âgés de 8 à 17 ans les élève seule depuis le départ de son mari. Bien qu’en règlement collectif de dettes, elle a toujours payé son loyer sans interruption. 

Le comportement des enfants en question

Dès 2019, le Logement molenbeekois reproche à Khadija Chaou de ne pas entretenir correctement son appartement et de manquer d’hygiène. Viennent ensuite des plaintes concernant le comportement des deux jumeaux de la locataire, alors âgés de 12-13 ans. Les plaintes cessent une fois les deux adolescents placés dans un internat. Puis, c’est au tour de l’aîné, 17 ans actuellement, d’être accusé de commettre des délits et des incivilités, sans que le jeune fasse – semble-t-il – l’objet de poursuites judiciaires. 

Pour Madame Chaou, le Logement molenbeekois fait preuve d’acharnement à son égard. « Pendant le confinement, mon aîné est souvent resté devant la porte de l’immeuble avec ses amis. On m’a convoquée à propos de son comportement et quand j’y suis allée, le Logement molenbeekois m’a montré plusieurs photos, prises par la concierge du bâtiment voisin, de jeunes parmi lesquels se trouvait mon fils. Ces jeunes, ils étaient 7 ou 8 mais il n’y a que moi qui ai été convoquée, il n’y a que moi qu’on expulse par rapport au comportement de mon fils. 

Et que reproche exactement le Logement molenbeekois à son fils? Khadija Chaou poursuit : « en fait, on lui reproche beaucoup de choses mais il n’y a aucune preuve. On me dit « votre fils fait du trafic », « votre fils a brûlé des voitures », « votre fils a agressé » mais il n’y a aucune preuve. »

Pour éloigner son fils d’éventuelles mauvaises fréquentations dans ce quartier molenbeekois d’Osseghem, réputé « difficile », Madame Chaou accepte de déménager dans un autre appartement du Logement molenbeekois. On lui en propose un situé rue de l’Eléphant, dans un quartier tout aussi « difficile », ce qui ne lui convient pas. Le jour fixé pour la visite, Khadija Chaou ne se présente pas. Fatale erreur. 

Expulsée par la Justice de Paix

Le Logement molenbeekois demande la rupture du contrat de bail devant la Justice de Paix. De tous les griefs avancés par la SISP (Société Immobilière de Service Public), le juge n’en retient qu’un : le fait de ne pas avoir honoré le rendez-vous pour la visite d’un nouvel appartement, qualifié de « manquement grave » et de nature à entraîner l’expulsion de la famille Chaou de son logement social.

Pour le secrétaire général du Syndicat des Locataires, José Garcia, la motivation du Juge de Paix est erronée. Le jugement considère en effet que le refus de visite de Madame Chaou se situait dans le contexte d’une mutation alors que, pour le Syndicat, il s’agissait d’une procédure de transfert. Un refus de logement dans le cadre d’une mutation (quand un ménage occupe un logement trop grand pour lui et est invité à « muter » dans un logement plus adapté) peut être sanctionné d’un renon. Ce n’est en revanche pas le cas lors d’un transfert. Si le locataire refuse le changement d’appartement, il conserve celui qu’il occupe, sans pénalité. 

En insistant un peu, nous avons du reste fait admettre au directeur du Logement molenbeekois qu’il s’agissait bien d’un transfert, et non d’une mutation. 

Malgré l’appel, une expulsion maintenue

Madame Chaou a donc fait appel du jugement. Lequel est, comme de coutume, exécutoire en dépit de cet appel. Autrement dit, le Logement molenbeekois n’est pas tenu d’attendre la décision de l’instance supérieure pour procéder à l’expulsion. Lors d’un conseil d’administration, le 29 mars dernier, le cas de Madame Chaou figurait à l’ordre du jour. Selon le PV, le CA a décidé de poursuivre la procédure d’expulsion après avoir pesé le pour et le contre. 

Parmi les arguments en faveur de l’expulsion, le CA pointe notamment : « si nous n’exécutions pas et que nous devions néanmoins avoir gain de cause en appel, aucun huissier n’acceptera de procéder à une expulsion plusieurs années après un jugement ». Cet argument est purement et simplement inexact. La décision d’appel sera évidemment tout aussi exécutoire que le jugement du Juge de Paix. 

Autre argument « pour » : « même si la motivation retenue par le juge ne nous paraît pas la bonne, il convient de faire de ce dossier un exemple ». Dans son jugement, pourtant, le Juge de Paix écrit ceci : « Tout d’abord, tout comme en matière pénale, il ne peut être question de « faire un exemple », il ne peut être question de « sanctionner » pour réconforter pas plus qu’il ne peut être question de « soutenir » une partie dans ses revendications à l’égard d’une autre ». 

Parmi les arguments en défaveur de l’exécution du jugement malgré l’appel, le CA du Logement molenbeekois note : 

« – Il n’y a aucune certitude quant à l’issue de cet appel. Le tribunal de première instance pourrait en effet considérer que la résolution du bail ne peut être prononcé (sic). 

– Outre l’aspect financier, les retombées que pourraient (sic) avoir ce dossier sont davantage à considérer. En effet, la presse pourrait se saisir du dossier et faire grand bruit en pointant le fait que le Logement Molenbeekois a expulsé, à tort, une femme seule avec quatre enfants ». 

Sans commentaire. 

Le Logement Molenbeekois s’explique

Frédéric Dufour est le directeur-gérant du Logement molenbeekois. Dans ce dossier, il estime avoir fait preuve de mansuétude et de bienveillance mais, désormais, la coupe est pleine. « Vous n’êtes pas conscient de tout ce qu’il y a comme dégradations, comme bienveillance du Logement Molenbeekois en préalable de cette décision d’aller en Justice de Paix. C’est un dossier qui date d’il y a plus de deux ans, et madame Chaou n’a rien voulu entendre. Madame Chaou ne s’est pas occupée de ses enfants. Madame Chaou n’a rien fait. On a donné toutes les possibilités pour que Madame Chaou puisse rester là où elle est et que tout se passe bien. A partir d’un certain moment, je dois veiller, moi, au bien-être et au calme de mes locataires et là on parle de plus de 1000 personnes ». 

L’expulsion est prévue pour le 30 avril au plus tard. Le Syndicat des Locataires en appelle à la bourgmestre de Molenbeek, à la SLRB (la société régionale du logement) et à la secrétaire d’Etat au Logement du gouvernement bruxellois pour l’empêcher. 

Moratoire sur les expulsions

La Région Bruxelles-capitale a décidé mardi d’imposer un moratoire jusqu’au 13 décembre sur les expulsions domiciliaires sur tout le territoire de la Région.

La mesure vise à protéger les locataires précarisés par la crise sanitaire. S’il s’en réjouit, le Syndicat des locataires estime toutefois que la mesure aurait dû s’étendre au moins jusqu’à la fin de l’hiver.

Toutes les décisions judiciaires et administratives ordonnant une expulsion de domicile seront automatiquement suspendues jusqu’à cette date, à l’exception des expulsions justifiées par un péril grave et imminent pour la sécurité publique. Le loyer restera toutefois dû pendant la période temporaire d’interdiction des expulsions.

30 millions d’euros

La secrétaire d’État au logement Nawal Ben Hamou rappelle dans la foulée que le gouvernement bruxellois a octroyé une dotation extraordinaire de 30 millions d’euros aux CPAS pour répondre aux besoins sociaux engendrés par la crise du coronavirus. La Région bruxelloise avait déjà imposé pareil moratoire lors de la première vague pandémique.

Celui-ci avait été décidé mi-mars et prolongé à plusieurs reprises jusque fin août. En Wallonie aussi, un tel moratoire avait été édicté. Ce mardi, la Chambre nationale des huissiers de justice a d’ailleurs recommandé à ses membres de ne plus exécuter temporairement les expulsions domiciliaires, à quelques exceptions près comme les cas de violences intrafamiliales.

Elle anticipait ainsi des mesures différentes entre Régions, qui, selon elle, créent de l’incertitude et de la confusion sur le terrain. Dans une réaction, le Syndicat des locataires, s’il se réjouit du moratoire, estime toutefois qu’il aurait dû s’étendre au moins jusqu’à la fin de l’hiver.

“Une expulsion reste un acte dégradant”

L’organisation demande une concertation avec la secrétaire d’État Ben Hamou et les représentants des bailleurs et des locataires “afin de pérenniser cette mesure dans le temps tout en la détachant de la notion de pandémie ou de phénomènes climatiques“.

Depuis 2000, il existe déjà une réglementation dans le logement social visant à éviter toute expulsion locative. Cette réglementation a donné de très bons résultats, sans pour autant mettre en péril le système de l’habitat social, insiste le Syndicat des locataires, qui prône l’extension de ce dispositif aux locataires des logements privés.

Une expulsion reste, dans n’importe quelle situation, un acte dégradant contraire à la dignité humaine“, conclut l’organisation.

Belga